Om LES COMPAGNONS DU SILENCE
C¿était autrefois un paradis terrestre. Pythagore, fils de ces contrées heureuses, les appelait le jardin du monde. C¿était la grande Grèce, baignée par trois mers : la Daunie, où naquit Horace ; la Lucanie, où Annibal porta ce coup terrible à la puissance romaine, la bataille de Cannes ; c¿était aussi l¿Apulie et la Campanie, où le même Annibal s¿endormit délicieusement sur son lit de roses et de lauriers. Depuis Parthénope jusqüà Sybaris, depuis Solmone, patrie d¿Ovide, jusqüà Drepanum, tout au bout de la Sicile, Cérès favorable épargnait à l¿homme le travail des champs. Fleurs et fruits venaient sans culture. Maintenant, cela s¿appelle le royaume de Naples ou des Deux-Siciles. En cherchant bien, Annibal y trouverait de quoi refaire ses délices de Capoue. Mais Cérès, détrônée, ne protège plus la mollesse de ces peuples. Il y a eu comme un grand châtiment. Cette luxuriante écorce qui recouvrait la terre des Calabres s¿est violemment déchirée, un vent de ruine a soufflé, laissant çà et là dans la campagne désolée d¿adorables oasis, comme pour faire regretter mieux aux fils déshérités des heureux les splendeurs de l¿Éden perdu. Ainsi, quand le fléau de la guerre a passé sur une cité illustre, quelques colonnes restent debout, échappées à la stupide massue du Cyclope ; et ces débris de bronze ou de marbre suffisent à la pensée pour reconstruire le passé glorieux.
Visa mer