Om Abhirami Andhathi
Parmi les oeuvres tamoules composées en l'honneur de la déesse-mère, l'Abhirami Anthadhi semble une des plus fascinantes. Abhirami Anthadhi, Le chant de la déesse dont la beauté attire tout vers elle est un poème théologique composé vers 1720 par Abhirami Bhattar, le prêtre de la déesse Abhirami. Il s'agit du dernier des chefs-d'oeuvre de la littérature religieuse classique tamoule et la légende entourant sa composition est pour le moins fascinante: Un jour que le roi Serfoji visitait un temple, il fut outré de l'indigence d'un prêtre, qui semblait absorbé dans ses rêveries au lieu de célébrer sa venue à la mesure de son rang. Quand il s'enquit à propos de ce prêtre, on lui révéla que si celui-ci faisait partie d'une très noble caste de brahmanes ayant en charge l'entretien du temple, il avait pourtant une attitude équivoque. En effet, sous prétexte de reconnaître en chaque femme une incarnation de la déesse-mère, ce prêtre leur sautait souvent au cou, ce qui causait bien des désagréments lors de leur venue quotidienne au temple pour faire leur ablution. Mal conseillé peut-être, le roi voulut tester l'exubérant anachorète, et s'en alla lui demander si ce soir-là la lune était croissante ou décroissante. Les brahmanes étaient aussi en charge de l'astrologie, qu'ils devaient savoir interpréter avec intelligence pour prédire correctement les jours de mariages et de rituels les plus propices. Si le prêtre se trompait, et il se trompa, alors c'en serait fait de lui, il serait chassé du temple voire pire. à la question pourtant simple du roi, le prêtre répondit que la nuit qui s'annonçait serait pleine lune, car dans son délire mystique, il voyait très sincèrement la déesse devant lui aussi véritablement qu'il percevait le roi et sa cour. Or, la lumière étincelante de la déesse lui brouillait la vue, et faisait ressembler le soir au matin. Le roi, sachant très bien, comme tout le monde pouvait le constater, que la lune ce soir-là serait absente, entra dans une terrible colère et décida de sacrifier le prêtre excentrique.
La légende dit alors que lorsque le prêtre fut installé au-dessus du brasier ardent, il se mit à chanter à l'adresse non pas du roi, mais de la déesse, ne souhaitant pas la pitié des hommes, ni une vie plus longue, mais simplement la vision de la déesse qu'il vénérait depuis si longtemps. D'abord humble adoration, son chant deviendra au fil des strophes plus menaçant, puis plaintif.
Au début de son supplice, dont il ne montre absolument aucune souffrance, une centaine de cordes retiennent alors le prêtre. Tandis que se termine une strophe, une des cordes qui soutient le panier d'osier au-dessus du feu s'embrase (ou bien, selon une autre version, est coupé par un des soldats du roi).
Son chant sera composé de 102 strophes. Au milieu de son chant, cinquante cordes lâchent, et le voilà qui doit implorer la déesse de lui venir en aide pour ne pas chuter. Heureusement, avant que ne débute la strophe 80, la déesse apparaît dans le ciel; son visage est plus brillant que mille soleils, ses seins sont couverts de safran, ses yeux cerclés de khôl sont ceux d'une biche. La déesse Abhirami, que peuvent alors apercevoir le roi, les brahmanes et toute l'assistance, leva le bras vers le sommet du cosmos et lança dans les airs son bracelet qui prit alors la forme de la Lune (donnant ainsi raison à son disciple).
Finissant son chant dans un délire mystique, le prêtre est alors délié de ses cordes, le brasier étouffé, et le roi fait de lui Abhirami ttar, c'est-à -dire le Grand Prêtre de la déesse Abhirami.
Visa mer