av Alexandre Dumas
505,-
Nous étions descendus à l'hôtel de la Victoire. M. Martin Zir est le type du parfait hôtelier italien: homme de goût, homme d'esprit, antiquaire distingué, amateur de tableaux, convoiteur de chinoiseries, collectionneur d'autographes, M. Martin Zir est tout, excepté aubergiste. Cela n'empêche pas l'hôtel de la Victoire d'être le meilleur hôtel de Naples. Comment cela se fait-il? Je n'en sais rien. Dieu est parce qu'il est. C'est qu'aussi l'hôtel de la Victoire est situé d'une manière ravissante: vous ouvrez une fenêtre, vous voyez Chiaja, la Villa-Reale, le Pausilippe: vous ouvrez une autre, voilà le golfe, et à l'extrémité du golfe, pareille à un vaisseau éternellement à l'ancre, la bleuâtre et poétique Caprée; vous en ouvrez une troisième, c'est Sainte-Lucie avec ses mellonari, ses fruits de mer, ses cris de tous les jours, ses illuminations de toutes les nuits. Les chambres d'où l'on voit toutes ces belles choses ne sont point des appartemens; ce sont des galeries de tableau, ce sont des cabinets de curiosités, ce sont des boutiques de bric-à-brac. Je crois que ce qui détermine M. Martin Zir à recevoir chez lui des étrangers, c'est d'abord le désir de leur faire voir les trésors qu'il possède; puis il loge et nourrit les hôtes par circonstance. A la fin de leur séjour à la Vittoria, un total de leur dépense arrive, c'est vrai: ce total se monte à cent écus, à vingt-cinq louis, à mille francs, plus ou moins, c'est vrai encore; mais c'est parce qu'ils demandent leur compte. S'ils ne le demandaient pas, je crois que M. Martin Zir, perdu dans la contemplation d'un tableau, dans l'appréciation d'une porcelaine ou dans le déchiffrement d'un autographe, oublierait de le leur envoyer.